Journée d’études des doctorant(e)s « Poésie, résonance et traduction en Amérique Latine »

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« Poésie, résonance et traduction en Amérique Latine »

du 7  avril 2022

 

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Programa. Poesía, resonancia y traducción en América Latina

 

Contacts: montserrat.pavez@univ-poitiers.fr   / nolwenn.ganavat@univ-poitiers.fr

La résonance est l’expansion, le prolongement et l’amplification d’une vibration sonore. Son étymologie (lat. resonantia, « écho ») désigne la rencontre d’un son avec un obstacle, qui provoque son retour répété. Toutefois, la notion de résonance n’est pas exclusive à la matière sonore mais peut être entendue, métaphoriquement, comme la répétition ou le prolongement d’un fait, d’un évènement ou d’une réalité d’une durée indéterminée et d’une intensité plus ou moins grande. Elle peut également se référer aux répercussions d’un évènement dont la persistance des effets rend compte de son influence dans un milieu déterminé.

En psychanalyse, Lacan envisage le concept de résonance à partir de la fonction du mot et de son pouvoir d’évocation dans l’interprétation psychanalytique. Pour l’auteur, ce pouvoir évocateur, que le mot possède en lui-même, contient la multiplicité d’interprétations et de sens qu’il est capable de suggérer, qui équivaut à la quantité de « résonances » qu’il sous-tend, dont il renvoie l’écho :

Nul doute donc que l’analyste ne puisse jouer du pouvoir du symbole en l’évoquant d’une façon calculée dans les réso­nances sémantiques de ses propos. Ce serait la voie d’un retour à l’usage des effets symboliques, dans une technique renouvelée de l’interprétation. Nous y pourrions prendre référence de ce que la tradition hindoue enseigne du dhvani, en ce qu’elle y distingue cette propriété de la parole de faire entendre ce qu’elle ne dit pas (Lacan, Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse, 294).

Lacan désigne par le terme dhvaniune forme de sens se situant au-delà du sens littéral et du sens figuré. Un sens qui se jouerait dans l’espace de résonance : dépassement du mot et de ce qu’il représente, capacité de « faire entendre ce qu’il ne dit pas ».

Un des plus grands festivals d’Europe de poésie latino-américaine a eu lieu à Berlin, du 17 au 23 novembre 2021, pour sa quinzième édition, avec un focus sur la traduction. En lien avec la notion de résonance, nous montrerons comment le prisme de la traduction permet de définir, voire de révéler, la spécificité de la poésie. Certains poètes et traducteurs, comme Susana Romano Sued, ont réfléchi à cette question.

Dans le domaine de la traduction, nous pouvons considérer l’espace entredeux langues comme un lieu de résonance. En effet, si traduire, c’est dire presque la même chose, comme l’affirme Umberto Eco, la traduction n’est pas restitution mais transposition du sens : variation, déplacement. Dans ce « presque », qui marque un espace vide entre texte source et texte cible, se manifeste le passage du traducteur, l’empreinte de sa lecture et de son interprétation. Sa traversée est le lieu dans lequel se manifeste ce que Walter Benjamin a appelé la « langue pure » : une signification plus vaste, introuvable, que le mouvement de la traduction laisse percevoir.

C’est cette signification insaisissable qui résonne dans l’intervalle entre deux langues, comme ce qui se dégage d’un accord : un sens dans l’interstice, une harmonie entre les sons. Ce « mouvement de la langue », selon le philosophe, est « le pouvoir immense et unique de la traduction » (W. Benjamin La tâche du traducteur132).

Ce silence épiphanique est, pour la poète et traductrice Susana Romano Sued, le lieu de la poésie et de la traduction. Face à l’intraduisible, le traducteur ressemble au poète : à la poursuite d’un sens qui lui échappe sans cesse, il cherche un mot provisoire, capable de « l’héberger » :

La búsqueda incesante de las palabras que azotan la imaginación del traductor, que alimentan y envenenan su deseo. Es decir lo instalan en el espacio que traza el ir y venir del péndulo entre el luto y la melancolía. […] No sólo la imaginación es el objeto del asedio sino su propio ser que habita temporariamente este mundo, el mundo de los signos, el mundo del lenguaje. Hay que tramitar con lo ominoso, aquello que amenaza lo familiar; consentir lo inconfortable del acecho de la alteridad, vencer la tentación irresistible de permanecer en la añoranza del objeto perdido, del significante que huye. (S. Romano Sued Consuelo de lenguaje52)

Le deuil et la mélancolie (notions que Susana Romano Sued emprunte à Freud, Deuil et mélancolie), éprouvés par le traducteur, s’amplifient au moment de traduire la poésie. En traversant l’abîme interlinguistique, ce qui est exposé à la perte sont les résonances intraduisibles du poème, faites de l’alliance de la musicalité du mot et du pouvoir évocateur de l’image poétique. L’un et l’autre sont si solidement entremêlés qu’il faudrait les « détisser » pour les « retisser » dans l’autre langue. Le travail du traducteur devient alors un acte de (re)création poétique.

Parler de résonance en poésie nous invite également à considérer le lien qui unit le poète au lecteur. D’une part, la vibration sensible et émotionnelle de l’image poétique trouve dans l’acte de lecture une caisse de résonance pour être jouée et entendue, comme l’écrit Gaston Bachelard : « le poète ne me confère pas le passé de son image et cependant son image prend tout de suite racine en moi » (G. Bachelard Poétique de l’espace 18). D’autre part, le langage poétique, par son principe de brièveté, condense le sens et laisse s’échapper, dans les espaces blancs, une aura de silence dans laquelle se prolongent et résonnent les empreintes rythmiques d’un sens infini et diffus, comme l’évoque dans son poème Juan Luis Martínez (« Observaciones…. », La nueva novela, 1985) :

b) El lenguaje de los pájaros

es un lenguaje de signos transparentes

en busca de la transparencia dispersa de algún significado.

c) Los pájaros encierran el significado de su propio canto

en la malla de un lenguaje vacío;

malla que es a un tiempo transparente e irrompible.

 

d) Incluso el silencio que se produce entre cada canto

es también un eslabón de esa malla, un signo, un momento

del mensaje que la naturaleza se dice a sí misma.

L’idée de résonance en tant qu’outil d’analyse poétique rend inévitable l’approche de la notion de rythme, entendue, au-delà de la métrique, comme l’inscription du sujet dans le discours. Selon le philosophe français Henri Meschonnic, le rythme est relation et synthèse entre l’individu qui écrit et son existence en tant que sujet d’écriture : « la relation du rythme au sens et au sujet, dans un discours, libère le rythme du domaine de la métrique. Il ne faut plus partir du vers (identifié à la poésie), comme il est fait communément, pour étudier le rythme, mais du discours ordinaire, dans tous les discours ». Bakthine (1986) nous invite à considérer également ce qui relève du rythme dans le discours non poétique, attendu que le je de l’énonciation ne puise pas directement les mots dans le dictionnaire mais les utilise avec toute leur charge sémantique, idéologique et symbolique et, dans le rythme de l’écriture, leur ajoute d’autres niveaux de sens. Le rythme produit alors un patron sonore et sémantique.

 

Cette résonance entendue sur un plan rythmique nous renvoie à nouveau au rôle du lecteur. Dans un essai consacré aux rapports entre musique et littérature, Karoline Bauman (2015) affirme que la lecture, même silencieuse, implique un acte de modulation et d’écoute. Lus intérieurement, les mots résonnent à travers le phénomène d’endophonie: « When we read something, we ‘hear’ the words in a way that is not so different from the perception of ‘actual’ sounds or words spoken out loud »(Bauman, 16). Lors de la lecture, le mot est prononcé en silence, accentué et contextualisé dans ses particularités géographiques et historiques : s’amplifient alors sa vibration sémantique et sa charge idéologique (Bakhtine).

 

Axes thématiques proposés :

Théorie de la résonance en littérature.

– Résonance, rythme et son en prose et en poésie.

– Le poète et le traducteur : espace de résonance et recherche de sens.

 

Références bibliographiques

 

Bachelard, Gaston. Poétique de l’espace. Paris: PUF, (1957) 2020.

Bajtín, Mijail. Problemas literarios y estéticos. La Habana: Editorial Arte y Literatura, 1986.

Bauman, Karoline. “Wortmaschine:” Electronic Music in Contemporary German Literature. En: Postgraduate English: Issue 31. September 2015.

Benjamin, Walter. “La tâche du traducteur(1923)in. Expérience et pauvreté. Paris: Payot, 2018.

Eco, Umberto. Dire presque la même chose. Expériences de traduction. Paris:

Freud, Sigmund. Deuil et mélancolie(1917) Paris : Payot & Rivages, 2011.

Lacan, J. Écrits, Paris: Éditions du Seuil, 1966.

Martínez, J.L. La nueva novela.Santiago: Archivo, 1985.

Meschonnic, Henri. Poétique du traduire. Paris: Verdier, 1999.

—. Critique du rythme, Paris: Verdier, 1982.

Romano Sued, Susana. Dilemas de la traducción, Centro Peninsular en Humanidades y Ciencias Sociales, 2016.

— . Consuelo de lenguaje. Ferreyra Editor,2005.

 

Comité scientifique :

Rike Bolte (Université del Norte, Barranquilla, Colombie), traductrice et organisatrice du Festival « Latinale » à Berlin

Alejandro Palma Castro (Université Benemérita Universidad de Puebla, Mexique)

Cécile Quintana (Université de Poitiers)
Benoît Santini (Université Littoral Côte d’Opale)

 

Comité organisateur :

Nolwenn Ganavat, doctorante CRLA – Archivos, Université de Poitiers

David Martínez Houghton, doctorant – Universidad del Norte, Colombia, CRLA – Archivos, Université de Poitiers

Montserrat Pavez, doctorante CRLA – Archivos, Université de Poitiers

 

 

 

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